Cacher ses sentimentsIbn Al-JawzîQuiconque veut choisir un bien-aimé constate que l’être aimé est de deux sortes : une femme chez laquelle on recherche
la beauté physique et un ami chez lequel on recherche
la beauté morale.
Si l’apparence d’une femme te plaît, examine un court moment
ses qualités morales, avant que le cœur ne s’y attache fermement.
Si tu trouves qu’elle est comme tu le souhaites — et le fondement de tout cela est la religion ainsi qu’il a été dit :
« Mets la main sur celle qui a la religion » —
penche vers elle, fais-lui des enfants, mais sois modéré dans ton penchant, car
c’est une erreur que de montrer son amour à son bien-aimé.
Si tu le fais,
elle se montrera excessive envers toi et te causera des torts en t’incriminant, en s’écartant de toi, en t’humiliant et en te demandant de nombreuses dépenses,
même si elle t’aime, car c’est ce que produit
l’amour de l’humiliation et de la domination de l’autre.
Autre point étonnant qui est que tu peux te conduire en fonction de la situation présente et juger par l’amour parfait, mais cela ne durera pas, et tu deviendras et resteras dominé, et il te sera difficile de t’en défaire ! Elle peut prendre le dessus sur toi par
sa connaissance d’un de tes secrets, ou en prenant une grande part de tes biens.Parmi les meilleures choses qu’on m’ait rapportées à ce sujet est qu’une servante vouait à un calife un amour profond, mais jamais elle ne le lui avait montré.
On l’interrogea à ce sujet et elle dit :
« Si je lui avais révélé ce qu’il y a en moi, il m’aurait maltraitée et j’en serais morte ! »
Le poète a dit :
Ne dévoile pas ton amour à l’être aimé
Sinon il t’en ferait voir de toutes sortes
Un jour, j’ai dévoilé mon amour à l’être aimé
Et j’ai eu ma part de souffrances quand il m’a abandonné
De la même manière,
il convient de dissimuler une part d’amour pour l’enfant, sinon
il te dominerait, gaspillerait tes biens, exagèrerait, et refuserait d’apprendre et de s’éduquer.
De même,
si tu choisis un ami et que tu lui confies des choses,
ne lui dis pas tout ce que tu as en toi, mais
prends soin de lui comme tu le ferais pour un arbre qui, si ses racines sont bonnes, donne de beaux fruits lorsqu’on en prend soin.
Mais méfie-toi tout de même de lui, car les choses peuvent changer, et on a dit :
Méfie-toi de ton ennemi une fois
Et méfie-toi de ton ami mille fois
Un ami peut se retourner contre toi
Et savoir alors parfaitement te nuire
Et
si tu détestes quelqu’un parce qu’il te nuit,
ne l’affiche pas car tu l’amènerait à se méfier de toi et à t’affronter, et ainsi il te combattra plus encore et rusera contre toi.
Si tu le peux,
tu dois lui montrer une bonne attitude, et être bon envers lui autant que possible, jusqu’à ce que son inimitié se brise par pudeur devant le fait de te vouer de la haine.
Mais
si tu n’en es pas capable,
éloigne-toi de lui de manière convenable qui ne montre aucun préjudice.
Si tu entends de lui
des propos indécents, réponds-y par
de belles paroles, ce qui sera plus à même de le faire cesser.
Il en est de même pour tout ce qu’on craint de dévoiler, tu ne dois pas en parler, car tu peux prononcer des mots inconvenants à l’égard du gouverneur, qui peuvent lui être rapportés et
être la cause de ta perte.
Ou
tu peux avoir des mots à l’encontre d’un ami, et que cela soit
la cause de son inimitié.
Tu peux également devenir
l’otage de celui qui les a entendus, et craindre qu’il ne
les dévoile.
La prudence consiste à dissimuler
l’amour et la haine.
Il convient également de dissimuler
ton âge, car
si tu es âgé on dira que
tu es sénile, et
si tu es jeune on te méprisera.
Il en est
de même pour la valeur de tes biens, car s’ils sont importants on dira que tu es avare dans tes dépenses, et s’ils sont minimes on cherchera à se débarrasser de toi.
Aussi,
en ce qui concerne la doctrine, car si tu la dévoiles, tu n’es pas à l’abri qu’un opposant ne l’entende et décrète que tu es mécréant.
Muhammad Ibn cAbd Al-Bâqî Al-Bazzâr a dit :Retiens ta langue, qu’elle soit muette sur trois choses
Ton âge, tes biens autant que possible, et ton opinion
Car pour ces trois choses tu seras éprouvé par trois personnes
Le faussaire, l’idiot et le menteurSource : Les Pensées PrécieusesTraduit et publié par
les salafis de l’Est